Les vaudois du Luberon

L'histoire des Vaudois du Luberon illustre les tensions religieuses qui vont secouer le monde chrétien au Moyen Âge et à la Renaissance, et qui aboutiront au massacre de Mérindol du printemps 1545, qui coûta la vie à 3 000 personnes en cinq jours, et dévasta 23 villages du Luberon, tandis que 670 personnes seront envoyées aux galères de Marseille.

Les origines

Pierre Valdès était un riche marchand de la ville de Lyon.  
  Son vrai nom, tel qu'il existait en franco-provençal (la langue parlée à Lyon à l'époque) est en fait inconnu.

Seules les traductions latines (Valdesius, probablement issue de vallis densa, "vallée touffue", ou Valdus, Valdius, Valdensis, Valdecius) nous sont parvenues.
 
Dans sa profession de foi de 1180, il se nomme lui-même Valdesius.
La très répandue appellation Pierre Valdo (Pietro Valdo, Peter Waldo en anglais...), est apocryphe et d'origine italienne.
Le prénom Pierre qu'on lui attribue souvent remonte quant à lui à 13682, soit plus de 150 après la mort de Vaudès.  
Il s'agit d'une construction a posteriori de la communauté vaudoise de Sankt Peter in der Au, en Autriche, en référence à l'apôtre homonyme, Vaudès était ainsi confirmé comme le fondateur de l'église Vaudoise.
 
Frappé de la mort subite de l'un de ses amis dans "une réunion de plaisir", il décida, vers 1170, de renoncer au monde, abandonnant femme et enfants.
Il vendit alors tous ses biens et partagea sa fortune en quatre quarts : une partie pour sa femme, une pour ses filles, une pour ceux qu'il pensait avoir lésés et une pour les pauvres.
Il travailla désormais uniquement à son salut, se conformant ainsi à la "parabole du jeune homme riche" (Matthieu 19, 16-30) et à l'exemple d'Alexis de Rome qui avait appliqué cette parabole et dont il avait écouté un passage de la vie narrée par un troubadour.
Ce récit lui fit éprouver le désir de vivre plus près du Christ, de suivre nu le Christ nu pour suivre l'idéal de pauvreté apostolique, c'est-à-dire imiter la vie des apôtres.
 
Plaçant ses filles à l'abbaye de Fontevraud, fondée par Robert d'Arbrissel, il se fit traduire des passages choisis de la Bible du latin en franco-provençal.
Il commença à prêcher dans les rues de Lyon, acte qui était alors interdit par l'Église catholique romaine.  
   Seuls les prêtres et les clercs, en effet, étaient autorisés à le faire...
vaudes
Statue de Vaudès
Mémorial Luther de Worms.

L'Église catholique toléra dans un premier temps la présence de Valdès et de ses disciples, à condition qu'ils ne prêchassent plus.
expansion Mais, ayant bravé cet interdit, ces derniers furent chassés de Lyon par l'archevêque, Jean Belles-mains.
Ils constituèrent dès lors les premiers "vaudois", qui se nommaient eux-mêmes "pauvres de Lyon". 

Après avoir été chassés de Lyon, Valdès et ses disciples vécurent comme ouvriers agricoles, vivant de l'aumône et errant de village en village.
Il semble que les premiers vaudois n'aient jamais vraiment voulu rompre avec l'Église,
même si Rome les accusait d'hérésie par leur non-respect des consignes ecclésiastiques. 

Les vaudois considéraient qu'ils faisaient toujours partie de l'Église catholique mais qu'ils en étaient la pars benigna, et Rome la pars maligna rongée par les péchés.
 
Le "mouvement" vaudois fit rapidement des émules dans d'autres régions du sud de la France et en Italie du Nord puis, plus tard durant le Moyen Âge, en Bohême.
 
En 1184, le concile de Vérone excommunia les Pauvres de Lyon.
 
Pierre Valdès lui-même rejetait le catharisme (la croisade des Albigeois (1209-1229) date de cette époque).
Il serait mort vers 1206 alors que lui et son mouvement étaient proches d'une réconciliation avec l'Église, le pape Innocent III étant disposé à dialoguer. 

Il semblerait que la branche lombarde du mouvement, les Pauvres Lombards, après une courte réintégration entre 1208 et 1210 où on leur accorda le droit de prêcher mais devant auditoire restreint, fut de nouveau exclue et anathématisée.
 
Les vaudois sont définitivement déclarés hérétiques par le concile de Latran IV en 1215 même si au cours du XIIIème siècle, un groupe de vaudois italiens rejoint l'Église catholique.

Vers la même époque apparut l'ordre des frères mineurs, fondé en 1209 par saint François d'Assise, fils d'un riche marchand de cette ville d'Italie centrale, par réaction contre la puissance grandissante de l'argent dans la société ecclésiastique et laïque.
 
À l'origine, les franciscains ne devaient pas posséder de biens vivant de leur travail ou d'aumônes et prêchant dans les villes.
Contrairement aux vaudois, ils avaient obtenu l'autorisation de prêcher, puisque François et ses disciplines se montrèrent toujours respectueux des consignes du clergé.  
Ce qui démontre que le rejet des vaudois par l'Église ne venait pas à l'origine de l'idéal de pauvreté mais bien du fait de prôner le sacerdoce universel (droit de prêcher pour tous y compris les femmes)...
 
L'idéal vaudois de pauvreté inspira en Italie du Nord bon nombre de mouvements radicaux déclarés hérétiques :
à la fin du XIIIème siècle les Apostoliques de Gherardo Segarelli et au XIVème siècle les spirituels radicaux de l'ordre des frères mineurs fraticelles et les dolciniens. 

Persécutés en Italie du Nord, les vaudois furent poussés vers les vallées alpines d'Italie, de Suse à la Ligurie.  
   Ils s'y sédentarisèrent, résistant à l'Inquisition par une pratique discrète de leur foi.
Une partie d'entre eux fut cependant massacrée lors de la croisade contre les vaudois de 1488.
La Croisade contre les vaudois de 1488 fut une répression religieuse conduite par l'inquisiteur Alberto Cattaneo, mandaté par le pape Innocent VIII à la demande de l'archevêque d'Embrun Jean Baile.
Une expédition tenta de purger l'hérésie vaudoise les vallées de Freissinières, de la Vallouise, de L'Argentière et du Val Cluson. 

Les tracasseries avaient cependant commencé dès la seconde partie du XVème siècle.
Louis XI, faisant droit à cette requête, donna des lettres-patentes, datées d'Arras, par lesquelles il défend expressément d'inquiéter les Vaudois, sauf lorsque preuve était faite qu'il s'agissait d'hérétiques "opiniâtres".
 
À sa mort, son fils le roi Charles VIII adopte une politique beaucoup plus laxiste envers les abus de la papauté, alors qu'un nouvel acte de répression est ordonné par l'évêque d'Embrun en 1487, juste après la mort de Louis XI.
Il laisse se constituer une armée pour mener une croisade contre les vaudois.
Deux corps d'armées sont levés, aux ordres de Albert de Capitaneis, pour les combattre sur deux axes: de France vers Vallouise, Pragela via Sezanne et du Piémont vers le val d'Angrogne.  

Mandatés par les vaudois pour négocier, deux syndics de Freissinières, Pellat et Angelin Pallon arrivèrent à Embrun, mais sans instructions précises.
La partie de l'armée chargée de cette croisade dans ce secteur était menée par Oronce Emé, juge-mage du Briançonais, Jean Rabot, conseiller delphinal, Hugues de La Palu, lieutenant du gouverneur du Dauphiné, et Alberto Cattane, l'inquisiteur du pape.
 
Selon certains récits controversés, pour tenter d'échapper aux soldats du pape et du roi Charles VIII, les paysans se sont réfugiés dans une grotte, la Baume Chapelue, dans le vallon de Claphouse sur les rives du torrent de Celse Nière, en Vallouise.
Mais ils y sont rattrapés et doivent s'y terrer, les soldats allumant des feux pour les asphyxier dans la grotte.
Les interrogatoires de l'Inquisition parlent de cavernes, mais les Vaudois qui s'y étaient rendus n'y passèrent qu'une nuit et jugeant la défense impossible rentrèrent chez eux. 

En 1489, le Prince du Piémont Charles II fait cesser cette guerre.
 
Cependant en 1500 Marguerite de Foix, veuve du marquis de Saluces, réprime les vaudois de la Haute Vallée du Pô (Pravihelm, Biolets, Bietoné) qui doivent se réfugier dans le val Luzerne.
Ensuite, ils obtiennent un "accord de liberté de foi".  

À la même époque en Italie, Catherine de Sienne et le dominicain Savonarole, brûlé sur le bûcher en 1498 à Florence, montrent que les tensions religieuses peuvent déstabiliser le pays mais aussi ouvrir un renouveau.
 
En France, les violences dont s'est rendu coupable la croisade contre les vaudois a conduit les victimes à faire appel au roi de France des spoliations et violences subies.
Ce sera un successeur de Charles VIII qui entendra leur demande.  
   La sentence de 1509, rendue par Louis XII, les a réhabilité solennellement et leur a théoriquement permis de recouvrer leurs biens confisqués.
Pour le remercier, lui et son prédécesseur Louis XI, qui avait commencé à mettre fin aux persécutions, ils ont donné le nom de Louis à leur vallée, qui s'est depuis appelée la Vallouise.
Anciennement appelée "Vallis putas", la vallée mauvaise par les catholiques, elle entend rappeler ainsi la protection du roi. 

Auparavant, les plaignants ont obtenu l'envoi en Dauphiné de deux commissaires qui recueillirent des dépositions contre les méthodes d'Alberto Cattaneo.
 
En 1607, une nouvelle enquête recueillit à nouveau des accusations graves contre les abus commis par l'archevêque d'Embrun et le commissaire apostolique.
Ces dépositions sont conservées dans les mémoires présentés par les habitants des vallées briançonnaises. 
Pour l'enquête de 1607, les commissaires sont Geoffroi Boussart, chanoine du Mans, qui a remplacé Laurent Bureau, décédé, et Antoine de La Colombière, chanoine des églises de Vienne et de Valence, délégué de Thomas Pascal, official d'Orléans.
 

Les vaudois en Provence : installation de 6 000 personnes en un siècle

L'installation de Vaudois dans la région du Luberon commence en 1399.
A la suite d'une longue campagne militaire en Italie, Louis II, comte de Provence, a besoin d'argent.
Il met en vente des terres de peu de valeur, qui lui sont achetées par les seigneurs de Boulier-Cental et de Roccasparvera.  

Ceux-ci, ayant des possessions dans le Piémont, installent dans ces terres nouvellement acquises une centaine de familles de paysans piémontais, de religion vaudoise : à Mérindol, Vaugines, Cabrières-d'Aigues.
 
Entre 1460 et 1560, au moins 1 400 familles, soit environ 6 000 personnes venues des diocèses alpins de Turin et d'Embrun sont venues s'installer dans la région du Luberon.
Les deux-tiers d'entre eux sont arrivés entre 1490 et 1520, ce qui permet de faire face à la chute de 60 % de la population à la fin de la guerre de Cent Ans, via onze "contrats d'habitations" concernant treize villages du Luberon.
Ils sont signés à Joucas (1460), Lourmarin (1480), Cabrières-d'Aigues (1495), Gignac (1501), Mérindol (1504), La Motte-d'Aigues (1505), Saint-Martin-de-la-Brasque et Peypin-d'Aigues (1506), Roquefure (1508), Murs (1508), Villelaure (1511) et Buoux (1512).
 
À Cabrières-d'Aigues, les 80 familles qui s'installent en 1495 viennent toutes de la vallée de Freissinières où a eu lieu, sept ans plus tôt, la Croisade contre les Vaudois de 1488 et deux tiers des arrivants à Cabrières-d'Aigues figurent sur la liste des habitants de Freissinières, alors poursuivis pour hérésie, qui est conservée dans les archives du Parlement de Grenoble.
carte d'implantation
 
Si l'on prend les 292 patronymes identifiés à Lourmarin, Cabrières-d'Aigues, et les trois villages rejoints en 1505, La Motte-d'Aigues, Saint-Martin-de-la-Brasque et Peypin-d'Aigues, 245 viennent des sites vaudois des Alpes, soit 84 %.
 
Les témoignages de l'époque décrivent les Vaudois comme de gros travailleurs, intègres, payant leurs dettes, d'une grande pureté de mœurs.
Grâce à leur labeur, les terres produisent de plus en plus, et leurs seigneurs voient leurs dividendes passer "de quatre écus à huit cents". 

Par accroissement naturel, et par la venue de nouveaux Piémontais, ils s'installent aussi au nord du Luberon : Gordes, Goult, Lacoste, ainsi que de l'autre côté de la Durance à La Roque d'Anthéron.
Ils se regroupent dans certains sites de préférence à d'autres et ont investi une quarantaine de localités, de part et d'autre du Luberon " en reliant comme par un fil les sites du Luberon dans lesquels ils s'installent, nous pouvons retrouver la géographie vaudoise piémontaise et dauphinoise, connue depuis au moins le XIVème siècle " (Gabriel Audisio)

Les premières persécutions

En 1528, l'évêque d'Apt, Jean Nicolaï, commence à lancer des procès en hérésie.
 
Vers 1530, Jean de Roma, un dominicain, assemble une troupe et initie alors massacres, viols, tortures, pillages, avant de devoir s'enfuir au Comtat Venaissin.
Le roi de France, inquiet de ces pillages, avait saisi contre lui le Parlement d'Aix...  
   Jean de Roma mourra quelques années plus tard atteint de la peste à Avignon…
 
C'est l'époque de l'installation du calvinisme à Genève.
En 1530, les Vaudois du Piémont y envoient quelques émissaires.
En 1532, au synode de Chanforan, le mouvement vaudois se rattache officiellement au protestantisme... 

Entre 1532 et 1539, plus de 400 personnes sont poursuivies pour hérésie en Provence, dont 93 % étaient des Vaudois.
Dans le Comtat Venaissin, propriété du pape, le vice-légat confisque des terres de Vaudois et les redistribue à des catholiques.
Le pape Clément VII demande au roi de France François Ier d'agir de même sur le versant français du Luberon. 

Se sentant encerclé par Charles Quint, élu en 1519 empereur d'Allemagne, alors qu'il possède l'Espagne, les Pays-Bas et une partie de l'Italie, François Ier s'allie avec l'empire ottoman de Soliman le Magnifique, par le traité du 4 février 1536 dit " des capitulations ".
Cette alliance faisant scandale chez les catholiques, il ne peut plus se permettre une attitude tolérante envers des hérétiques.
Le parlement d'Aix-en-Provence condamne en 1532 sept personnalités vaudoises, et demande aux seigneurs locaux de confisquer les terres des Vaudois.
Ceux-ci prennent les armes et s'emparent de Mérindol, Lacoste et de Cabrières-d'Avignon.  

En 1534, de nouvelles condamnations frappent des Vaudois, qui sont libérés par leurs coreligionnaires en armes des prisons d'Apt, Cavaillon, Roussillon.
 
En novembre 1535, François Ier réclame de nouveau le duché de Milan, envahit la Savoie dès le début de 1536.
Charles Quint prend alors en personne la tête de son armée pour envahir la Provence en franchissant le Var le 25 juillet 1536, et s'empare de Toulon, mais renonce à assiéger Marseille et rebrousse chemin en septembre. 

François Ier cherche alors à calmer la situation en Luberon, et le 15 juillet 1535, il accorde le pardon aux Vaudois qui abjurent leur religion dans les six mois.
  
 

La persécution de 1545 et la fin de Mérindol

Dès 1540, les Vaudois ont déjà fait l'objet d'une condamnation par l'édit de Mérindol.
Cet arrêt très sévère condamnait par contumace dix-neuf des hérétiques à être brûlés et portait que les villages de Mérindol, Cabrière, les Aiguës, et autres lieux qui avaient été l'abri et le refuge des hérétiques, seraient détruits, les maisons rasées jusqu'aux fondements ; les cavernes et les autres endroits souterrains qui leur servaient de gîte, démolis ; les forêts coupées, les arbres fruitiers arrachés ; les chefs et principaux révoltés exécutés, et leurs femmes et enfants bannis à perpétuité de ces lieux.
 
En 1544, les vaudois sont accusés d'avoir incendié l'abbaye de Sénanque, près de Gordes...
Mais ayant besoin de leur soutien contre l'empereur Charles Quint, François Ier expédie des lettres de grâce aux habitants persécutés en Provence pour cause de religion.
La retraite de Charles-Quint en 1545 va changer la donne… 

En avril 1545, Jean Maynier baron d'Oppède et premier président du Parlement d'Aix déclenche la persécution, menée par Paulin de La Garde et Joseph d'Agoult.
 
Les villages vaudois sont pillés, les hommes massacrés ou envoyés aux galères, les femmes violées avant d'être tuées.
Jean Maynier
Jean Maynier
Président du Parlement d'Aix
organisateur du massacre
Certains sont vendus en esclavage.  
  Les terres sont confisquées et les biens pillés sont bradés au dixième de leur prix, pour payer les soldats.
Les violences débordent, les villages des alentours les subissent aussi… 

La constante répétition dans chaque village, dans chaque hameau, du pillage, du massacre et de l'incendie retarda du 13 au 18, la marche de d'Oppède qui n'arriva que le 18 avril devant le village de Mérindol, qui était tout à fait abandonné.
Seul un simple d'esprit âgé de dix-huit ans y était demeuré : il fut attaché à un olivier et fusillé...
 
Massacre de Mérindol Le 19, l'armée entra sur les terres du pape, et se présenta devant Cabrières (actuel Cabrières-d'Avignon) où le chef de la résistance vaudoise Eustache Marron avait son fief.
Les soixante hommes et trente femmes restants de cette ville firent mine de se défendre pour obtenir une capitulation et la vie sauve leur fut promise...
On déclara ensuite qu'aucune promesse n'était valable envers des hérétiques, et tous ceux qui étaient dans la ville furent égorgés.  
Ceux qui s'étaient enfuis de Cabrières furent bientôt après trouvés dans le voisinage.  
   Huit cents personnes furent tués, tant dans la ville que dehors.

Oppède ordonna que les femmes soient enfermées dans un grenier plein de paille, où l'on mit le feu.
Celles qui tentèrent de se jeter par la fenêtre furent repoussées avec des crocs et des piques.  

De là, les troupes se rendirent à La Coste, où le seigneur du lieu avait promis une entière sureté aux habitants,
pourvu qu'ils portent leurs armes dans le château et qu'ils abattent leurs murailles en quatre endroits.  

Les habitants obéirent naïvement aux ordres qu'on leur avait donnés et, à l'arrivée d'Oppède, les faubourgs furent brulés, la ville fut prise, et tous furent taillés en pièces jusqu'au dernier.
 
Les soldats violèrent les femmes et les filles qui s'étaient cachées dans un jardin voisin du château.
Elles furent ensuite traitées avec une telle cruauté que plusieurs d'entre elles qui étaient enceintes, et la plupart même des filles, moururent ou de douleur, ou de faim, ou des tortures qu'on leur fit subir.  

Lorsque les villageois qui s'étaient cachés dans Murs furent enfin découverts, ils subirent le même sort que les autres.
 
Vingt-trois villages eurent ainsi à subir toute la rigueur d'Oppède, parmi lesquels Cabrierettes, Peypin, La Motte d'Aygues, Saint-Martin, Nyons, La Coste, Lourmarin, Villelaure, Tresemines, La Roque d'Anthéron et Janson.
 
Déjà plus de trois mille Vaudois avaient péri.
Les autres erraient, sans asile, dans les bois et les montagnes, traqués par les soldats, qui les poursuivaient jusque dans leurs dernières cachettes.
Presque tous furent faits prisonniers… 

Le baron de la Garde choisit parmi eux six cent-soixante-six des plus jeunes et des plus robustes pour travailler sur ses galères.   
   Les autres furent condamnés à mort et exécutés.
Pour atteindre ceux qui erraient encore dans les montagnes, le parlement d'Aix fit proclamer par toute la Provence, que nul n'osât donner retraite, aide, secours, ni fournir argent ni vivres à aucun Vaudois ou hérétique, sous peine de mort.
Ne pouvant nullement être hébergés dans les villages et les villes, les habitants, hommes, femmes et enfants furent contraints de demeurer dans les bois ou la campagne, et de n'y vivre que de l'herbe, ce qui fit que la plupart des personnes moururent de faim et d'épuisement.
Les plus forts et les plus robustes réussirent à s'échapper à Genève...

Après 1545

À la suite de ce massacre, le pape Paul III reçut avec tous les honneurs le président du Parlement de Provence, Jean Maynier.
Un procès contre les saccages et violences aux personnes sera réclamé par un membre d'une des familles nobles de la région :
Mérite de Trivulce, appelée aussi Marthe de Trivulce, ou encore "la dame de Centale", une des filles du maréchal Jacques de Trivulce, héros de Marignan, épouse de Louis de Bouliers, seigneur de Centallo, Demonte et Roccasparvera, dans la province de Coni dans le Piémont en Italie, et propriétaire du château de La Tour d'Aigues, dans le Vaucluse.
 
Le procès ne sera ouvert qu'après la mort de François Ier en 1547, à qui Jacques de Trivulce avait rendu de précieux services à Marignan.
Le Parlement de Paris jugea les principaux coupables de cet événement dramatique, mais les soudards comme les parlementaires qui s'étaient enrichis furent tous acquittés... 

Les survivants vaudois de ce massacre vont rejoindre l'église calviniste.
 
Le 12 février 1560, au tout début des guerres de religion, Paulon de Mauvans rallie les soixante églises protestantes de Provence à la conjuration d'Amboise et deux mille hommes sont promis au parti huguenot.
Mérindol est l'une des deux places de sûreté, avec Forcalquier, accordées par l'édit de Saint-Germain aux protestants de Provence. 

Ralliés au protestantisme après le synode de Chanforan de 1532, les Vaudois du Luberon seront plus de quatre cents parmi les huguenots d'Afrique du Sud lors de la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, qui provoquera au total l'exil de plus de 200 000 huguenots.
Les huguenots partis du Luberon vers l'Afrique du Sud venaient principalement des villages de Lourmarin, Saint-Martin-de-la-Brasque et La Motte-d'Aigues, tous trois villages martyrs lors du massacre de 1545.
 

Texte en provençal